De l’enfer au bonheur

De l’enfer au bonheur
Victoria, prénom fictif, 63 ans, a connu la violence conjugale pendant des décennies. Aujourd’hui, elle raconte son histoire pour aider d’autres femmes à s’en sortir.

«J’ai 17 ans. Me voilà épousant un homme de 12 ans mon aîné, le premier que j’ai connu. De notre union, naissent quatre enfants. Mais je suis loin de nager dans le bonheur.
Bien au contraire. J’ai l’impression de marcher constamment sur le fil du rasoir. Je n’ai pas le droit de parler à qui que ce soit. Je n’ai pas le droit d’entrer dans un magasin. C’est un sort que j’accepte car pour moi c’est la norme à l’époque. Les coups pleuvent aussi.
Sans raison. Devant nos jeunes enfants, les exposant à des atrocités qu’aucune âme innocente ne devrait connaître. Je n’ai pas le droit de me refuser à lui, non plus. Je vis dans l’isolement total.

J’endure cette vie pendant plus de dix ans. Jusqu’au jour où j’atteins le point de non-retour. Prenant mon courage à deux mains, je décide de quitter cet enfer. Je veux trouver un emploi pour m’occuper de mes enfants. J’en ai trois à l’époque. Mon père n’approuvant pas ma décision de quitter le domicile conjugal, je prends un nouveau départ en emménageant chez ma sœur.

Suite à mon départ, un changement s’opère chez mon époux. Il se met à s’occuper de nos enfants. J’y vois alors un signe d’amélioration, qui me donne espoir. On recommence à se voir, mais ma joie est de courte durée. Lorsque je lui annonce que je suis enceinte de notre quatrième enfant, il refuse d’accepter le bébé comme le sien. C’est l’atterrement.
Me voilà cette fois m’occupant de trois enfants, vivant chez ma sœur et faisant le ménage dans trois endroits différents. Il est hors de question pour moi d’avoir un quatrième enfant. Je ne veux pas de ce petit être qui grandit en moi, mais il est trop tard. Mon mari demande le divorce.

Après la naissance du bébé, je reprends le travail pour soutenir mes quatre enfants. Les jours passent. Je rencontre un autre homme qui, au départ, semble être une main secourable. Sauf que c’est le début d’un nouvel enfer qui va durer 24 ans !
Durant toutes ces années, je suis seule à subvenir aux besoins de mes enfants. Lui se révèle un partenaire peu participatif. Ses infidélités minent notre relation. Je deviens son souffre-douleur. C’est le passage à tabac devant les gamins lorsqu’il est de mauvaise humeur. Pire, les petits sont également ses boucs émissaires. Peu à peu, il cesse de payer le loyer, nous laissant sans domicile. Je trouve refuge chez une famille, mais la pauvreté et le manque de soutien familial me frappent de plein fouet. Je suis amenée à accoucher seule dans une maison qui n’est pas la mienne. La recherche d’un foyer devient une fixation.
Un jour, un de mes employés me pose deux questions qui bouleversent ma vie :

«Pourquoi laisses-tu cet homme te frapper alors que tu t’occupes de tes enfants de manière indépendante ? Pourquoi as-tu besoin de lui ?» Cela agit comme un déclencheur, qui me pousse à m’éloigner.
La rupture est tout aussi traumatisante. Je me fais sans cesse harceler au travail. Il me traque et me menace en public. Mes enfants grandissent traumatisés. Avec le temps, je cesse d’avoir peur de lui. Je refuse de céder à ses exigences et cela finit par le décourager.
Ce répit est une bouffée d’air pour mes enfants et moi. Aujourd’hui, j’ai six enfants devenus grands. Ils se souviennent encore des violences vécues et sont soulagés de ne plus avoir à en subir. J’ai travaillé dur pour subvenir à nos besoins. J’ai connu des moments où je devais choisir entre manger et acheter des produits hygiéniques…

Beaucoup de gens me demandent pourquoi je n’ai pas porté plainte. C’est qu’à l’époque, cela me semblait très compliqué. Il y avait la perception des gens, le poids de la société aussi. Mais aujourd’hui, grâce à des années de travail acharné, je peux me débrouiller seule. Heureusement qu’aujourd’hui il y a des refuges pour les femmes comme moi. Sortir de cette situation a été le défi d’une vie, de ma vie. Mais cela en valait la peine. Car ma famille et moi avons une vie meilleure, loin des abus et de la violence.»

 


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