Bibi Rizwaana Rujabally-Jafferbeg : Derrière le niqab, une femme forte

Bibi Rizwaana Rujabally-Jafferbeg : Derrière le niqab, une femme forte
Cette mère de famille, veuve de surcroît, se bat pour ses quatre enfants. Au volant de son taxi, elle fait fi des préjugés et bouscule les codes. Mais pas celles de la route.

«Je m’appelle Bibi Rizwaana Rujabally- Jafferbeg. Sauf pour mes yeux qui sont dévoilés, je porte le voile intégral. Oui, je porte le niqab et j’en suis fière. Être une femme voilée n’a jamais été une barrière pour moi. Bien au contraire. Je me considère comme indépendante et épanouie.

 Il y a trois ans, ma vie a basculé. J’ai perdu ma moitié, mon époux, le père de mes enfants. Nous en avons quatre. Nous partagions la même vision et avions toujours avancé ensemble. Sans jamais rien faire l’un sans l’autre. Ensemble, nous vendions du pain, du jus embouteillé et des chips à base de banane.

Je me souviendrai toujours de ce jour où il nous a quittés. Une date marquée au fer rouge. C’était il y a trois ans. Mais j’ai le sentiment que 30 ans se sont écoulés depuis. Il était un homme extraordinaire… Après son départ, avec quatre enfants à charge et beaucoup de dettes, j’ai dû faire preuve de beaucoup de courage pour reprendre les rênes de la famille.

Il fallait subvenir à nos besoins, continuer de vivre aussi malgré la douleur et les difficultés. Mon époux possédait une voiture. Je n’ai pas réfléchi. Je me suis juste lancée. J’ai passé mon permis de conduire, puis entrepris les démarches requises pour un permis d’opération de taxi. Après huit mois de travail acharné, j’étais prête à faire le saut dans un univers d’hommes.

Les interrogations et l’incertitude planaient pourtant autour de moi. On me demandait si je pouvais exercer un tel métier en étant une femme intégralement voilée. Dans la région, certains de mes collègues n’appréciaient pas de me voir au volant. Mais j’avais confiance dans le Tout-Puissant. Tout ce que j’entreprenais était pour mes enfants.

Au départ, j’ai connu la peur, ce qui a rendu les choses difficiles. Heureusement que mon père, mon frère, ma sœur et mes amis me motivaient et m’encourageaient. Désormais, je ne crains plus de m’adresser aux hommes ; je suis une conductrice plus confiante dans ses capacités.

Quand je me suis lancée, je pensais que seuls les Arabes me comprendraient. J’ai donc été agréablement surprise par la réaction positive des Roumains, des Anglais, des Européens et même des Mauriciens. Et s’il est vrai que bien souvent, je dois faire face à des problèmes de communication avec les étrangers, je reste persuadée que l’accueil et le sourire que je leur offre aident à franchir la barrière de la langue. Sans compter que je peux faire usage de Google Translate.

Tout comme je suis fière de dire que je peux compter sur mes enfants. Ils se débrouillent très bien, s’occupent même de faire la cuisine. Bien que j’aie peu de temps libre en raison de mon travail, tout mon temps libre leur est consacré.

Mon rêve ? Continuer de faire ce métier que j’adore, fonder ma propre compagnie de transport et la léguer à mes enfants. Même s’ils ambitionnent d’explorer d’autres avenues, je pense que je leur demanderai de s’investir un tout petit peu dans cette entreprise.


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