TÉMOIGNAGE. Maladie rare. «Même la morphine n’atténue pas mes douleurs. J’ai peur de mourir»

TÉMOIGNAGE. Maladie rare. «Même la morphine n’atténue pas mes douleurs. J’ai peur de mourir»
Terrassée par la myélite transverse, maladie inflammatoire rare de la moelle épinière qui la paralyse, et clouée au lit dans d’atroces souffrances physiques et mentales, Pallavi Jagessur renaît plus d’un an après. Récit de son combat.

«Ce 6 mars 2018, je participe à un séminaire sur les ressources humaines dans un hôtel du Nord. À l’heure du déjeuner, ma cheville droite ne me porte plus. Je me rassois persuadée que c’est dû à la forte climatisation. Un quart d’heure après, seule dans cette immense salle, je réalise que le bas de mon corps ne répond plus. Paniquée et incapable d’appeler à l’aide, je rampe pour trouver de l’aide. Le manager de l’hôtel, que je croise, appelle son équipe médicale. Un peu plus tard, le SAMU m’embarque pour l’hôpital du Nord. Mon calvaire ne fait que commencer.

Au bout de deux longues heures, un médecin  m’ausculte. Il n’arrive ni à m’expliquer ni à me soulager. Mes employeurs, eux, avertissent Mira, ma mère, et Anand, mon père. Maman arrive accompagnée de ma sœur aînée, Dushala. Je suis en fauteuil roulant, perfusée, inquiète et tremblante. Je crois que Mam a un choc en me voyant, moi, la benjamine de ses trois filles adepte de gym et du yoga, jamais malade.

Cinq médecins défilent, mais rien. Ce n’est que bien plus tard qu’un neurochirurgien mentionne le nom barbare de «transverse myelitis». Il m’explique que c’est une maladie très rare et que j’aurais pu en mourir. Le déni est mon seul refuge.

Je passe une batterie de tests pendant trois semaines. Pour tenter de me soulager, on m’administre 15 injections d’antibiotiques et de la cortisone par intraveineuse. Un supplice. Même la morphine n’atténue pas mes douleurs. Je dois passer au scanner pour confirmer le diagnostic ; or, la machine est en panne depuis un an. Impossible de me transférer pour des raisons géographiques et de transfert de dossier.

Mon monde n’existe plus. Mes parents sont désemparés. Personne ne peut me soulager. Ma détresse est indescriptible. Le chaos s’installe en moi. Les nuits sont atroces.

Je finis par faire ce maudit scan dans une clinique privée. Le diagnostic est confirmé. Je serais le troisième patient recensé à Maurice. Personne ne peut m’expliquer si je guérirais. Les interrogations m’assaillent.

J’ai peur de mourir. Je ne suis plus la Pallavi vivante et rieuse. Je suis en colère. Je n’arrive pas à pleurer. Mon cerveau est embrumé. Les mots ne sortent pas. On dirait que je ne les maîtrise plus. Alors je me tais. Seul le va-et-vient des médecins contrarie le silence dans lequel je me suis réfugiée…

Mon pied droit est de nouveau réceptif à 60 %. Sauf que je refuse de me déplacer avec des béquilles, d’être assistée. Je dois faire une biopsie de la moelle épinière. Une expérience horrible que je renouvelle cinq fois chaque trois mois. Mon corps sert de laboratoire médical. Les médecins m’expliquent que deux tiers des patients ne s’en remettent pas et qu’un tiers y arrive à 90 %. J’en fais partie. Les séquelles sont invisibles à l’œil, mais elles me pourrissent le quotidien malgré les médicaments qui m’aident. Je ne sais jamais quand j’ai envie d’aller aux toilettes. Ma vessie et mon côlon sont endommagés.

Rentrée à la maison début avril 2018, je m’enferme dans ma chambre. Je ne mange que du yaourt et de la crème anglaise. Les nausées, les insomnies et les cauchemars sont légions. Je refuse de me regarder dans le miroir. Mes parents ne comprennent rien. On ne se parle plus. Les proches posent des dizaines de questions. Certains ne viennent plus me voir. Tant mieux. Mes employeurs me renvoient : «Unfit for duty». Cette maladie m’a tout pris. Je pense au suicide.

Je finis par contacter des associations étrangères qui accompagnent les malades atteints de myélite transverse en Afrique du Sud, aux États-Unis, en Inde et en Australie. Je me dis que ces personnes me comprendront. Échanger avec elles me fait comprendre que j’ai besoin d’aide. J’informe mes parents que je dois voir un psychiatre. Ils sont d’accord car les conflits entre nous sont nombreux.

On ne se parle toujours pas. On dirait que ma langue est déconnectée de mon cerveau. J’oublie des choses. Je suis au chômage depuis un an. Je suis amère. Je crois devenir folle. Les visites chez ma psychiatre m’aident à sortir de la dépression et à freiner les effets du stress post-traumatique.

Je découvre le reiki, la méditation. Mes larmes coulent enfin. Les vannes sont ouvertes et je pleure pendant 48 heures. Je me coupe les cheveux. Mon corps se débloque petit à petit. Les sensations reviennent. Je n’y crois pas, mais le miracle est là. Nous sommes le 11 avril 2019 et je marche à nouveau. Je m’excuse auprès de mes parents. Ils ont toujours été là. Je fais un pèlerinage au Ganga Talao. J’escalade la montagne du Morne. Mon envie de me surpasser est illimitée malgré les douleurs et la fatigue chroniques qui souvent m’assaillent. La nouvelle Pallavi est née.

Je veux dire aux personnes qui souffrent que la vie est belle. Lorsqu’on souffre, on veut seulement que cela s’arrête alors on pense au pire. Mais on s’en sort si on a la volonté d’y arriver, patient, entouré et soutenu. C’est cela le ‘journey of healing’.

Aujourd’hui, je souris à la vie. Je fais du shopping, vais au cinéma avec ma maman. Je me ménage aussi. Je m’accepte telle que je suis, avec ce corps qui a souffert et qui est revenu à la vie. Je me suis tatouée un papillon et un lotus pour ne jamais oublier ce que j’ai traversé.»


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