Riambel de Priya Hein : Non-dits dérangeants

Riambel de Priya Hein : Non-dits dérangeants
De sa plume acérée, la lauréate du Prix Jean Fanchette 2021 fend les couleurs vives qui habillent son dernier roman pour explorer les arcanes de l’esclavage, de la stigmatisation des Créoles et de la condition féminine à travers le destin de Noémie. Voici dix raisons pour lire Riambel.
  1. Pour la profondeur de l’histoire.

African Town. Le nom de ce bidonville en dit long. L’héroïne, la jeune Noémie, grandit à la lisière de deux mondes, celui des petites cases occupées par les Créoles et les grandes maisons de maîtres. Comme sa domestique de mère, la voilà au ‘service’ de ces derniers… Le décor est planté, Priya Hein explore l’héritage légué par notre passé colonial 187 ans plus tard. Peut-être parce que notre accession à l’indépendance a abouti à la mise au pouvoir de nouveaux ‘maîtres’…

  1. Pour le côté passé actuel de l’histoire.

Oui, on se rend compte que le passé n’est pas vraiment enfoui. Le patriarcat domine et les femmes sont soumises à leur destin. Comment échapper à ce sort ? Quelles solutions alors que les souffrances et les malheurs semblent poursuivre certaines de génération en génération ? On comprend alors que l’histoire ne peut gommer le mal.

  1. Pour Noémie.

La vie de cette jeune héroïne de 16 ans vous bouleversera. Confronté.e à son histoire, on s’interroge sur la force du destin. Sommes-nous les seuls maîtres à bord ? À quel point nos antécédents familiaux et notre éducation nous conditionnent-ils à faire des choix et à vivre des événements particuliers ?

  1. Parce que Riambel réveille.

On se pose des questions en le lisant. Ouvre-t-il à nouveau le débat sur l’importance de la lutte contre l’injustice raciale ? N’oublions pas que l’auteure s’est appuyée sur la mort de George Floyd, le noir américain tué par un policier blanc en mai 2020 aux États-Unis pour écrire son livre. Et il n’y a qu’un pas pour faire le parallèle avec les tensions raciales de janvier 1968 et les émeutes de février 1999 à Maurice.

  1. Pour les préjugés sociétaux qu’elle démonte.

Les détails sont crus. À l’exemple de «vilin tifi kreol», «to seve krepi santi pi»… Priya Hein ne pratique pas la langue de bois. Noir sur blanc, elle dit ce qui se dit encore aujourd’hui dans l’île. Et ça claque !

  1. Pour le rapport de force dénoncé.

La femme esclave était servante dévolue à tous les services, y compris sexuel. Crédule, Noémie succombe à Alexandre, le «ti blan» alors que les femmes créoles sont souvent présentées comme des femmes fortes. Dans son cas, elle se donne par amour, en ignorant que cet homme ne s’intéressera jamais à elle.

  1. Pour ne jamais oublier celles qui ont marqué Maurice.

Comme l’écrit Priya Hein dans son ouvrage traduit par Haddiyyah Tegally, «c’est important de se souvenir du passé et d’honorer les vies des femmes invisibles». Lire ce roman, c’est reconnaître l’existence de ces femmes qui ont apporté leur pierre à l’édifice de notre île.

  1. Parce que Riambel suscite la réflexion.

On assiste, impuissant.e, au destin fracassant de Noémie. Pourquoi naît-on pauvre ? Pourquoi les Créoles sont toujours mal vus ? Pourquoi la peau noire dérange tant certains ? Pourquoi les habitant.es d’une cité sont stigmatisés ? Comment changer la manière de penser désuète dans ce bourbier qu’est notre société ?

  1. Parce que ce roman interpelle à plus d’un titre sur la condition féminine.

Entre ‘rougay’, ‘zasar bilinbi’ et ‘gato pima’, on pense à toutes les mères qui travaillent comme bonne à tout faire ou cuisinière. On se demande pourquoi aujourd’hui encore la femme est cantonnée à une fonction nourricière et au ménage. Pourquoi pas les hommes ?

  1. Pour aller à la découverte de Riambel.

Et on vous garantit qu’une fois la lecture terminée, vous n’aurez qu’une envie : faire un saut dans ce village côtier hors du temps pour plonger dans ces eaux turquoises ou tout simplement s’asseoir à l’ombre des filaos…

Disponible dans les librairies.


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