Les mamans ne vivent pas toutes la reprise des classes comme un soulagement. Celle qui se confie à nous est pratiquement en détresse à l’idée que sa fille a repris le chemin de l’école ce 2 février. «Dès que la nouvelle est tombée, son appréhension était visible. Elle sait que les moqueries vont recommencer et qu’on va la harceler à cause de ses cheveux crépus.» Stigmatisée et sachant que ses petits bourreaux attendent de frapper, la petite se rend chaque jour à l’école la peur au ventre…

Le cas de X est un parmi tant d’autres. Certains se font voler leur argent ou leur déjeuner et d’autres subissent intimidations, insultes, humiliations, mise à l’écart, voire agressions physiques à l’abri des regards. «Le harcèlement scolaire est une forme de violence caractérisée par des agressions répétitives par un enfant ou un groupe d’enfants à un autre», explique Luveena Ramah, psychologue. Ce rapport de force et de domination sur un ou plusieurs élèves s’étale d’habitude dans la durée. Et cet état de chose n’est pas sans conséquences sur les petites victimes. «Maux de ventre et de tête, troubles alimentaires, difficultés à dormir, troubles de mémoire, l’enfant victime ne veut plus aller à l’école, se renferme sur lui-même, est irrité, agressif même.»

L’anxiété, la dépression et les tendances suicidaires ne sont pas à écarter. «Les séquelles sur la santé physique et mentale ainsi que sur le fonctionnement cognitif de l’adulte qui en a été victime pendant l’enfance sont bien réelles.»

En cause de la montée du harcèlement scolaire, la dégradation du tissu social. «Violence domestique, drogue ou encore alcoolisme ont un effet dévastateur sur les familles et les enfants. Ils grandissent en percevant la violence comme une façon acceptable d’obtenir ce qu’ils veulent», souligne la psy. Ainsi, le petit harceleur a très souvent été victime ou est victime de violence à la maison.

Avec l’avènement des réseaux sociaux, les petits bullies sévissent de nos jours sur le Net, d’où le cyber-bullying. «Depuis la pandémie, les jeunes passent beaucoup d’heures en ligne et sont plus exposés au cyberharcèlement sous forme de vidéos humiliantes et de commentaires dégradants, entre autres.» Le harcèlement s’étend ainsi vers une plus grande audience en ligne.

Mais comment aborder le sujet avec son enfant ? «Les parents doivent savoir poser les bonnes questions. Aborder le sujet de manière plus générale est une solution. On n’implique pas directement l’enfant et on ne lui met pas la pression. Par exemple, on peut discuter d’un cas rapporté dans les médias pour ensuite lui demander s’il a déjà vécu une expérience similaire.»

Selon la psychologue, il faut privilégier une approche plus créative. «Comme le programme finlandais KiVa qui vise à lutter contre ce fléau à travers des jeux de rôles en ligne. Les enfants développent ainsi de l’empathie en personnifiant tour à tour les rôles de ‘harceleur’ et de ‘victime’.» Une prise de conscience collective – incluant jeunes, parents, corps enseignant et ministère de l’Éducation – est aussi nécessaire. «Les élèves doivent être suffisamment mis en confiance, pour aller vers les autorités concernées s’ils sont ou connaissent des victimes de harcèlement. »

Les parents doivent, eux, être attentifs aux changements de comportements. Écouter son enfant calmement en faisant preuve d’ouverture et en sorte qu’il se sente entendu, soutenu, ne pas chercher à déterminer la cause du harcèlement ou à résoudre le problème tout de suite sont essentiels.

«L’enfant doit d’abord assimiler le fait que ce n’est pas de sa faute, que les parents apprécient qu’il se soit ouvert à eux et qu’ils croient en lui. Et si l’enfant ne se confie pas ou que la situation ne s’arrange pas, il faut consulter un psy car il a besoin d’une aide experte.»