Emmanuel Maurice, psychothérapeute : «L’écoute permet de mettre des mots sur la souffrance»

Emmanuel Maurice, psychothérapeute : «L’écoute permet de mettre des mots sur la souffrance»
Alors que l’on milite pour l’égalité des genres, les actes de cruauté envers les femmes persistent. Emmanuel Maurice, psychothérapeute, fait le point sur la question.

Qu’est-ce qui explique la violence ?

C’est un fait que bon nombre d’enfants qui ont souffert de négligences affectives sévères, de violences ou d’abus au sein de la famille, développent un attachement anxieux et désorganisé. En général, quand un enfant naît dans une famille où les parents donnent de l’affection, de l’amour et sont émotionnellement présents, il va grandir avec des outils émotionnels et affectifs. Il va  explorer le monde avec ce sentiment de sécurité et s’attachera à des personnes stables et aux émotions sûres.

Par contre, un enfant qui a grandi dans une famille où il y a eu une négligence affective, il grandit avec un sentiment d’insécurité. Le jour où il sera dans une relation, il cherchera inconsciemment une personne qui ne pourra combler ces besoins-là.  

Mais il peut arriver que l’enfant, à travers un enseignant ou un accompagnateur, ait un cadre sécurisant. À ce moment, il peut apprendre à gérer ses émotions et à se réguler. La famille est très importante et l’école aussi. C’en est de même des classes de sport. C’est là où l’enfant peut rencontrer d’autres adultes stables et sécurisants.  

De plus, l’enfant qui a été victime ou témoin de violences et de négligences affectives, court le risque de souffrir de stress post-traumatique, de dépression et de plusieurs troubles psychiques à l’âge adulte. Il aura peut-être recours à l’automédication en abusant des substances dont l’alcool, la drogue et des psychotropes car il souffre. L’être humain a besoin de panser ses souffrances. Or, l’alcool et l’abus de substances facilitent le passage à l’acte de violence.

La violence est donc ancrée dans des problèmes plus profonds…

Absolument ! Ce n’est pas juste parce que le mari a envie de taper sa femme. La violence est d’origine sociétale. On vit encore dans une société à prédominance machiste, mais heureusement que cela change.  On voit bien ce qui se passe dans le monde, surtout en Iran ; les choses commencent à bouger. À Maurice, les choses avancent progressivement.

Et comment aider une femme victime de violence ?

D’abord et avant tout en l’écoutant sans la juger. J’ai envie de dire que n’importe qui peut le faire. L’écoute peut permettre de mettre des mots sur la souffrance. Il ne faut surtout pas faire des choses dont elle n’est pas prête. Il faut croire en elle et la rassurer.

En outre, dans la dynamique de violence, avec l’agresseur, elle se sent dépersonnaliser et décrédibiliser. Elle se sent parfois coupable et se dit qu’elle n’est pas une bonne maman ou épouse. À un moment donné, elle est blessée dans son estime-de-soi. En étant à l’écoute et en  lui donnant suffisamment de temps, elle trouvera des ressources en elle pour comprendre et dire laquelle de ses valeurs a été bafouée et transgressée.

Puis, en construisant une relation thérapeutique solide, la personne s’ouvre. Elle a besoin de comprendre l’emprise du partenaire sur elle. Et quand il s’agit d’une longue relation et quand le couple a des enfants, c’est assez délicat. Les enjeux sont assez conséquents.

Les solutions sont-elles les mêmes pour toutes les femmes ?

Chaque victime est unique, avec sa propre histoire, ses ressources et ses vulnérabilités. En tant que professionnel, je me dois d’être informé de la spécificité de ma cliente. J’adapte mon approche en conséquent. C’est important que je m’informe sur sa culture, sa croyance et son identité. Tout le monde n’a pas le même parcours de vie.


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