«Écrire? C’est quoi cette affaire? Mais on vit de ça? À quoi ça sert? Souvent, ces questions nous sont posées, à nous écrivain.es. Demande-t-on à un scientifique pourquoi il consacre sa vie à la science? À un comptable pourquoi il compte? Reconnaissons-le: l’écriture littéraire semble exercer un attrait, une fascination, une incrédulité, une incompréhension, une curiosité.

Quel est donc ce mystère ? C’est la question que posent Nassuf Djailani et Jean-Luc Raharimanana à travers la collection Essais de leur belle maison d’édition créée il y a tout juste deux ans. Baptisée Project’îles, cette jeune maison ambitionne de lancer au monde les écrits d’un Sud souvent trop peu envisagé par les maisons d’édition occidentales, alors que ces voix du Sud ont tant à dire et à contribuer au concert littéraire du monde.

Il faut l’avouer: répondre à cette interrogation n’est pas aisé. Longtemps, lorsqu’on me questionnait à ce sujet, j’ai répondu: je ne sais pas. Réponse manifestement insatisfaisante pour mes vis-à-vis. Comment ça vous ne savez pas?

Pour écrire cet essai-récit, je me suis donc résolue à creuser. À explorer mes chemins d’écriture. À remonter aux sortilèges du pays d’enfance, celui où j’ai bien failli m’appeler Schéhérazade, celui où je me suis aperçue que comme dans les livres que dévoraient mes parents, j’avais moi aussi dans la tête des histoires impatientes d’être racontées.

J’ai découvert alors les joies, mais aussi les aléas de l’écriture. En chemin, j’ai rencontré d’autres voix d’auteur.es qui, je crois, m’ont littéralement sauvé la peau.

Car la littérature n’est pas que légèreté et distraction. Elle est labeur, elle est urgence, elle est exigence, elle est incertitude, elle est révélation aussi parfois. De ce qui palpite au plus profond de nous. De ce qui anime en secret les autres en face de nous.

Comment ils font, les autres, face à cette chose mystérieuse et ardue qu’est vivre ? Chaque jour, cette question m’habite. Comment font-ils-elles pour se maintenir en équilibre, pour avancer sans se décourager, pour se lever chaque jour et y retourner, obstinément, pour rêver la ligne jusqu’à l’horizon tout en sachant que le fi l peut se casser net, d’un coup, sans retour. Il y a tant de façons de tenter d’être humain. Je crois qu’écrire en est une.

En travaillant sur cet ouvrage, alors que je traversais des moments personnels diffi ciles, j’ai eu la sensation qu’écrire, comme vivre, c’est funambuler. Au cœur de l’éphémère et du fugace, des déséquilibres et de l’oscillation qui font toute exist[1]ence humaine. Son désespoir. Sa beauté infi nie. En négociant sans cesse son équilibre.

C’est sur ce fil que j’invite aujourd’hui lectrices et lecteurs à cheminer avec moi.»

Funambuler est disponible dans les librairies