Covid-19 : Journal d’une Mauricienne con…finée, J-5

Covid-19 : Journal d’une Mauricienne con…finée, J-5
Des soutifs dans toutes les pièces de la maison, une cuisine crade, la lessive qui s’accumule et le taf aussi. Suis-je atteinte de flemmardise aiguë ?

Au réveil. Oh punaise, il est déjà 9 h 30. J’ai la gueule de bois. Et pourtant, j’ai rien bu hier. Ça, c’est le résultat de la mauvaise nuit que j’ai passée. Il a commencé à pleuvoir vers minuit et à 1 heure du mat, Alaska, mon gros toutou, a tellement lutté contre la porte de la cuisine qu’il a déclenché le système d’alarme ! À 4 heures du mat, c’est Pickles, mon teckel, qui a hurlé à la mort pour que je la laisse entrer. Dehors, l’orage «ti pe don bal» et entre le show des deux klebs gâtés-pourris, je n’ai pas beaucoup dormi. En plus il y avait Sex and the City 1 et 2 à la télé, rien de tel que ces quatre Newyorkaises pour faire fuir le sommeil !

 

9 h 45. Du lit, j’entends que mon chéri bosse déjà. Vu l’heure, autant oublier le yoga. On fera ça cet aprèm. Je ne vais quand même pas me mettre en mode chien-tête-en-bas pendant qu’il est en visio-conf. Quoique, ça risque de le rendre très populaire au taf, hmmm... Peut-être trop… On va éviter !

 

10 heures. Bon allez, café, boulot et un peu de ménage, ça ne me tuera pas. Rapide coup d’œil à mon téléphone. Ça fait deux jours que je fais la grève des réseaux sociaux et le nombre inégalé de notifs me fait peur. J’ai des news à rattraper moi ! OK, après le café. Ce n’est pas humain de se prendre la tête avant le café ! Wep, je suis sûre qu’il y a une loi contre ça ! Par contre, aujourd’hui, j’ai une flemme de ouf !

 

10 h 05. Punaise, ma cuisine est dans un de ces états ! J’ai une soudaine crise de propreté. Tout y passe, plans de travail, vaisselle, plaque de cuisson. J’enchaîne avec la salle de bains. Je vire l’eau qui s’est accumulée sous le «car port». Je suis à fond, les brumes matinales ont déserté mon cerveau et j’ai un plan d’attaque pour le reste de la journée : je vais réchauffer les restes de quiche pour déjeuner, je vais bosser un peu, faire du yoga, entamer un nouveau bouquin… C’est génial, le confinement ! 

 

13 h 10. Les surfaces sont nickel. Je suis assez fière. Par contre, je cocotte un peu, hmmm, moins fière, allez à la douche…

 

14 h 30. Je crame ma première cigarette de la journée après le déj’ tardif et je m’installe devant mon ordi. J’ai deux papiers à pondre et après, je pourrais me dédier à mon blog. J’ai hâte ! Vérification des mails. Coup d’œil à Facebook. Je me laisse distraire un long, très long moment, par WhatsApp. Ma famille n’a jamais été aussi communicante. J’adore ! Ah mince, Uderzo et Manu Dibango sont décédés, je n’adore pas L.

 

15 h 55. J’ouvre mes notes, je vais tenter de bosser. Qu’est-ce que c’est bruyant les martins. Jamais eu de sympathie pour cette espèce ! Ça n’arrête jamais de piailler ou quoi ? Faut que je travaille moi… Quoique… Rien ne sera imprimé avant un moment, arghhh… Ça fait plus d’une heure que je fixe mon écran, et je n’ai pas accouché de deux lignes. Bon tant pis, ça ne sera pas pour aujourd’hui !

 

17 h 25. J’entraîne mon chéri dans une séance de yoga. Il est la personne la plus «pas souple» que je connaisse ! Je me bidonne ! Allez, un peu de sérieux. Si je me concentre suffisamment, je n’entendrai plus les palabres des martins ! Je pousse sur les mains, j’allonge ma colonne vertébrale, je me focalise sur ma respiration et la voix qui vient de mon appli. Pendant un moment, je suis super bien. Ne jamais douter du pouvoir des contorsions… «Lesson learned !» 

 

19 heures. Début de soirée, c’est l’heure de l’apéro. Même les jours sans alcool, c’est le moment où mon chéri et moi nous nous posons pour le «debrief» de la journée : faire des plans, se disputer à l’occasion… La cuisine est le lieu parfait pour refaire le monde. Je me mets au fourneau et j’adore ça ! Nous discutons un peu, beaucoup, passionnément. Le Coronavirus est le centre de toutes les conversations depuis le confinement ! Pendant que le poulet grille au four, je me sers un rhum-jus d’ananas… Ils ont bien dit cinq fruits et légumes par jour non ? Avec les champignons de la quiche et la banane, ça m’en fera trois. Je me demande si le maïs compte pour un légume ? On dira que oui.

 

Un ti-peu plus tard. Le PM va parler. Silence dans la cuisine…

 

Encore plus tard. ENFERMÉS une semaine entière ? Mais ils ont dit de ne pas faire de stock et maintenant nous devons vivre sur des réserves INEXISTANTES ? Je passe en mode Koh-Lanta : est-ce que ça se mange les Martins ? Ça m’a l’air coriace comme viande… Punaise, je vais manquer de vin ! Plus sérieusement, demain je dois faire un inventaire complet de ce que j’ai dans le frigo et le placard et établir un plan pour optimiser tout ça…

 

19 h 50. Les messages pleuvent, nos familles s’inquiètent, une visio-conférence s’improvise : à Quatre Bornes, ils n’ont plus de gaz ; à Tamarin, ils seront à court de pain dans deux jours. La semaine à venir s’annonce difficile ! Je pense à mon fils et sa copine, confinés eux aussi dans un studio d’étudiant à 10 000 km. Je fais un appel rapide à Mami, histoire de se rassurer mutuellement.

 

21 h 35. Après le dîner, j’ai un regain d’énergie, Louis de Funès passe à la télé. J’ai toujours eu un faible pour ses grimaces. Je m’installe en face du petit écran avec mon ordi. Enfin, je peux bosser !

 

Au dodo. Demain, je vais m’entraîner à capturer les oiseaux. Pas question de mourir de faim ! 

 

Texte & illustration : Nadine Hitillambeau-Mirthil, journaliste et bloggeuse (La métisse a dit) 

 


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