Condition féminine : Porter les voix inaudibles

Condition féminine : Porter les voix inaudibles

Les femmes représentent à peu près 51 % de la population mauricienne. Mais cette majorité démographique ne se traduit pas dans une majorité décisionnelle quant aux affaires du pays. Je ne parle pas que de la sphère politique. Il en va de même dans la sphère publique ou privé où il y a très peu de femmes dans des positions à haute responsabilité. Il y a bien évidemment la raison de l’historicité de l’organisation du modèle sociétal. Nous vivons dans un monde patriarcal dont les objectifs principaux sont la conservation du statu quo historique de la domination masculine. Ceci ne signifi e pas que des formes de progrès sociaux, économiques ou culturels ne soient pas possibles. Bien au contraire. Qu’est-ce que signifie être femme en politique en 2021 ? Eh bien, tout simplement être conscient que la femme est dans un état de minorité permanent. Les notions politiques de majorité et de minorité sont souvent mal comprises.

Ce ne sont pas uniquement des notions statistiques. Il est surtout question d’un rapport de pouvoir produisant des attitudes, des postures et des comportements qui sont la traduction du fonctionnement de la domination sociale. Ainsi, un groupe de personnes peut être statistiquement majoritaire, mais socialement, politiquement, économiquement et culturellement minoritaire… Ce qui est le cas des femmes à peu près partout dans le monde. Et ce que ‘minorité’ signifi e ici, c’est que les femmes sont souvent reléguées en marge de la société, dans des rôles de subalternes assujetties à la domination masculine, quand elles ne souffrent pas d’une certaine invisibilité.

Et l’essence du travail du politique se trouve justement là : rendre visible l’invisible, porter des voix normalement inaudibles, construire des propositions alternatives, remonter les enjeux généralement invisibles à la surface du débat politique pour demander à ce qu’ils soient considérés comme primordiaux au progrès socio-économique. C’est en faisant cela que l’on pourra lutter contre les marges, les exclusions et les différentes formes de domination. De ce fait, la lutte féministe – dans ces grands combats – s’attaque à faire voler en éclats cette situation de minorité et d’invisibilité. La lutte pour l’égalité des chances, des salaires, des opportunités et des considérations s’inscrit dans un cadre bien plus large que celui de simples revendications des femmes.

Elle s’inscrit dans le cadre des résistances contre un modèle de société considéré comme archaïque et dépassé. La crise actuelle nous a démontré que les limites de ce système sont de plus en plus visibles et fébriles. Et il y a là tout un travail politique d’identifi cation des fébrilités structurelles et de formulation des problèmes qui doit nous permettre de cheminer vers des propositions politiques alternatives et progressistes pouvant faire bouger les lignes institutionnelles. Ces propositions ne doivent pas se limiter à des revendications féministes […] Louis Aragon avait raison lorsqu’il disait que la femme est l’avenir de l’homme… Elle l’est car elle témoigne du fait qu’un autre monde est possible, qu’il faut se battre également pour le faire advenir.


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