BODY SHAMING : Quand le body positive fait la peau aux haters

BODY SHAMING : Quand le body positive fait la peau aux haters
Une photo postée, des commentaires dégradants. À l’ère d’Instagram, de TikTok et Twitter, le body shaming, qui touche surtout les femmes, a pris ses quartiers sur les réseaux sociaux. Mais pas que ! On a décortiqué le sujet.

Le body shaming sexiste serait-il uniquement numérique ? Même si les trollers et haters (femmes et hommes confondus) pollulent dans le monde virtuel, on peut d’ores et déjà répondre par la négative. La pratique qui consiste à se moquer du physique d’une personne et de l’humilier a hélas toujours de beaux jours dans l’espace public ou dans l’environnement immédiat des victimes de tout âge. Ce n’est pas le Dr Ameegah Paul qui dira le contraire. La coordonnatrice d’événements et trésorière de l’APDH, qui est également Hapiness coach et formatrice certifi ée ainsi que mentor, a été victime de body shaming.

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Dr Ameegah Paul

‘Vos bras sont trop potelés’, ‘Vas-tu porter cette robe courte ?’, ‘Mangez moins, vous serez en bonne santé’, ‘Essayez l’eau citronnée le matin’, ‘Faites de la marche à pieds et vous verrez à quelle vitesse vous perdrez du poids’… Ces petites phrases lâchées par des étrangers, des amis, des médecins et sa propre famille qui semblent être de simples déclarations ne le sont pourtant pas pour le Dr Ameegah Paul. Elles sont autant d’exemples de bodyshaming pour la coach de bonheur et formatrice certifiée. Ameegah a longtemps été prise à partie en raison de son poids et son handicap. Et ce depuis l’enfance.

Déprimée et traumatisée

On se moquait d’elle en la traitant, entre autres, de ‘gros poulet’ et de ‘casse-pattes’ pendant la récré. Son estime de soi est mise à l’épreuve au fil du temps. «Les commentaires négatifs me poussaient parfois à prendre des mesures extrêmes pour tenter de changer mon corps et me conformer aux normes de la société», se souvient-elle. Elle fait une dépression, se déteste et est même traumatisée par son poids. «Je n’avais pas réalisé à quel point ma haine pour mon corps était réelle jusqu’à ce que j’arrête de me regarder dans le miroir.»

L’animatrice radio Elsa Macka-Abrefa a aussi connu les affres des moqueries en raison de son physique. D’ailleurs, l’artiste de 32 ans et finaliste de Miss Ronde se rappelle encore des nombreux quolibets assénés au primaire. ‘Gros boudin’, ‘grosse patate’, ‘grosse vache’, ‘gro fi ’… Son enfance est parsemée de qualificatifs dégradants de la part de ses camarades de classe, de ses proches et de son entourage.

Elsa

Elsa Macka-Abrefa

À 18 ans, lors d’un entretien pour un poste, on lui balance : «Tu as tout pour faire le job. Tu parles bien, tu as un joli visage, mais c’est tellement dommage que tu sois aussi ‘maf’. Perd 25 à 30 kilos et reviens tenter ta chance.» Elle se lance alors dans une ronde de régimes à effet yoyo. Pire, elle se renferme sur elle. «Dieu merci, j’avais des parents très aimants qui m’ont fait comprendre que je ne suis pas définie par mon poids, qu’être ronde ne doit pas m’empêcher de faire ce que je veux dans la vie.» Elle se met à la musique, au théâtre et au slam. «Cela m’a aidée à grandir et à accepter mon corps, surtout qui je suis.»

Elsa Macka-Abrefa participe même à des concours de beauté, est élue UTM Icon en 2008, se retrouve fi naliste de Miss Ronde Ile Maurice et en 2018, devient la première First Sweet Lady Mauritius, un concours de beauté solidaire créé par Karine Fontaine à l’île de la Réunion.

Pas d’âge pour le body shaming

Du haut de ses 8 ans, Zohra Sohane Peerbux n’est malheureusement pas à l’abri de commentaires humiliants. La petite est moquée pour sa taille et son poids. Elle en a fait les frais après avoir participé à un Fun Run tout récemment. «En passant devant des gens qui attendaient l’autobus, deux d’entre eux m’ont lancé ‘Kas sa vant la fi. Al galoupe’.»

Zohra (1)

Zohra

Se sentant mal, elle en discute avec sa maman à la maison. «Elle m’a dit qu’au moins je fais du sport alors que ces personnes-là ne font que faire des commentaires.» En effet, Zohra est très active et pratique de la danse, du judo ainsi que la natation. «Ce n’est pas toujours facile d’encaisser les commentaires», confi e-t-elle. «Parfois cela me rend triste. J’en parle à mes parents, qui sont ronds comme moi. Ils savent donc par quoi je passe. Ils m’encouragent à passer outre les commentaires et à rester moi-même en toute circonstance.»

«Cette expérience m’a permis de résoudre quelque chose en moi. Ma réaction est maintenant complètement différente. Je suis plus libre et plus forte…

Aujourd’hui, le Dr Ameegah Paul arrive à prendre suffisamment de recul quand elle revient sur cette partie de son passé. Ce qui ne l’empêche pas de s’interroger sur sa capacité de lâcher prise sur le sentiment de honte associée.

Une gomme pour stomper

Pour s’aider, elle utilise le processus de la gomme, dit-elle. «À chaque coup de gomme, la douleur s’estompe et finit par laisser qu’une légère trace.» Il faut dire qu’elle voit aussi les choses sous une nouvelle perspective. «Cette expérience m’a permis de résoudre quelque chose en moi. Ma réaction est maintenant complètement différente. Je suis plus libre et plus forte. Cela peut prendre un certain temps, mais la détermination et l’effort conscient aident.»

Elsa Macka-Abrefa, pour sa part, maintenant maman de deux filles âgées de 5 ans et 5 mois, se sent mieux dans son corps et dans sa tête. «Avec le temps, j’ai appris à m’accepter, à m’aimer et à dire merci à ce corps qui a donné vie à deux petits trésors. Mon petit rituel matinal est de me dire : ‘je suis belle, je peux le faire, je me sens bien, rien ne m’arrête, je suis douée, je crois en moi, j’aime mon corps’.»

La petite Zohra, elle, peut compter sur ses parents pour l’aider à voir les choses autrement. Puis il y a l’humour qui aide à décanter la situation. «Quand je dis à maman de regarder comment mon ventre est gros, elle me dit que le sien est encore plus gros et on en rigole.» Ce qui n’empêche pas à la fillette de repenser aux paroles blessantes… Et là, Zohra se dit qu’elles n’ont rien à avoir avec elle. «C’est la méchanceté des gens qui ressort. Sinon pourquoi critiquer l’apparence physique, surtout d’un enfant ?»

Les maigres aussi

Mais il n’y a pas que les personnes en surpoids qui sont victimes de body shaming. Il ne fait pas bon d’être en sous poids. De grande taille et très mince, Melissa Beekharry, 34 ans, subit les ‘To pa manzer ? Kifer to maig koumsa ? To tro plat ek to longue. Pa met talon, to pou vilin’. C’est aussi ça son quotidien.

À force d’être critiquée pour son physique, elle finit par s’y faire. Les mots autrefois blessants ne sont désormais que des paroles en l’air pour elle. Melissa s’accepte comme elle est, fait du sport et essaie de gagner en muscles. «Sauf qu’on me dit que je devrais me concentrer sur les fesses et non les bras. Comme quoi, il y aura toujours des commentaires quoi qu’on fasse.»

Tout comme il y aura toujours des haters qui sévissent sur les réseaux sociaux. Du commun des mortels aux people (voir cadre plus loin), personne n’est épargné. Les chanteuses Céline Dion (jugée trop maigre) et Billie Eilish (attaquée sur son poids), l’animatrice Karine Le Marchand (critiquée pour ses vergetures sur des photos) ou encore la Miss France 2019 Vaimalama Chaves (humiliée pour ses kilos en trop) ont toutes été victimes de body shaming. Et les hommes, bien qu’à moindre échelle, y passent également. À l’exemple de l’acteur franco-américain Timothée Chalamet ‘malmené’ pour son physique androgyne qui lui a valu d’être qualifié de ‘body pillow’ et de ‘starved murdered victorian child’. En somme, le body shaming ne connaît pas de frontières… Heureusement que le mouvement body positivisme existe !

«C’est la méchanceté des gens qui ressort. Sinon pourquoi critiquer l’apparence physique, surtout d’un enfant ?»

Les stars pas à l’abri

SelenaGomez
Selena Gomez a révélé à US Weekly avoir entendu des gens hurler «Tu es grosse…» alors qu’elle débarquait à l’aéroport. Affectée, elle a suivi une thérapie pour soigner sa santé mentale. «I have been trying to stay skinny, but I went to Jack in the Box and I got four tacos, three egg rolls, onion rings and a spicy chicken sandwich», a-t-elle révélé dans une vidéo. Et d’ajouter : «But honestly, I don’t care about my weight, because people b*tch about it anyway: ‘You’re too small, you’re too big, that doesn’t fit, meh meh meh meh “B*tch, I am perfect the way I am… Moral of the story? Bye», a-t-elle fini par répondre à ses haters.

Serena Williams

Serena Williams, l’une des plus grandes joueuses de tennis de tous les temps a été critiquée pour son corps trop musclé. Bien que la championne ait été blessée par ces commentaires, elle dit également qu’elle est maintenant plus confiante que jamais dans son corps qu’elle qualifie de son «arme».

Jennifer Lawrence
Jennifer Lawrence a été critiquée dès ses premiers pas à Hollywood. Certain.es de l’industrie cinématographique lui reprochaient d’être «grosse». L’actrice a avoué qu’on lui aurait un jour dit qu’elle serait licenciée si elle ne maigrissait pas.

Vin Diesel

Vin Diesel, connu pour son physique musclé, a été victime de body shaming suite à des photos montrant son ventre. Les internautes se sont acharnés sur lui. En réponse, l’acteur a déclaré dans Good Morning America : «Je m’en fiche, vraiment. Je n’essaie pas d’être en super forme tout le temps. J’essaie de maîtriser mon art de faire des films.»

Grant Gustin

Grant Gustin, la star de The Flash, a applaudi les critiques qui ont dit qu’il était «trop mince» dans une publication sur Instagram. «Pendant plus de 20 ans, on m’a dit que j’étais trop mince. J’ai eu mon propre parcours pour l’accepter… Je suis content de mon corps et de qui je suis. Les personnes qui sont construits comme moi ou qui sont plus minces que moi devraient pouvoir ressentir la même chose.»

AZEEMAH BEEHARRY, psychologue : «L’effet de groupe amplifie le droit de se moquer»

Azeemah Beeharry Psychologue
 

Qu’est-ce que le body shaming ?

Cette pratique implique d’humilier quelqu’un sur des critères physiques. Elle se propage généralement sous la forme de slut shaming, fat shaming ou encore de skinny shaming et fait des dégâts aussi bien chez les adultes – surtout les femmes – que les enfants à l’ère des réseaux sociaux et du selfie.

Quels impacts éventuels sur les victimes ?

Les répercussions sur la santé mentale et physique peuvent être graves. Cela va du sentiment de honte aux pensées suicidaires en passant par l’insécurité, la perte d’estime de soi ou de confiance, la phobie sociale ou scolaire, les troubles alimentaires, l’anxiété, la dépression. Certaines personnes vont même jusqu’à envisager des interventions chirurgicales dangereuses. Dans les cas extrêmes, la victime doit avoir recours à un spécialiste, qui lui permettrait de prendre conscience du fait que la beauté se décline sous plusieurs formes et tailles et d’apprendre à gérer les commentaires négatifs.

Qu’est-ce qui motivent les haters ?

Cela part de l’image de l’homme ou de la femme parfait.e diffusée généralement par les médias. Ainsi, les gens ont tendance à se regarder, à se comparer et à passer des remarques désagréables sur le physique des autres. Cela dit, celui ou celle qui commente a peut-être du mal à accepter l’autre ou à s’accepter lui-même ou elle-même. Sans compter l’effet de groupe, qui amplifie le droit de se moquer d’autrui.

Comment contrer le body shaming ?

En valorisant le body positivisme. En prônant son identité et son corps tels quels. En étant plus responsables de ce que nous disons aux autres. Il faudrait propager la gentillesse et la paix tout en aidant les autres à se sentir mieux.


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