Tétée où alors ?

Tétée où alors ?

Sein-Nom. Doudous, lolos, mamelles, nénés, nichons, poitrine, poires, tétons… Les déclinaisons ne manquent pas pour faire référence à ‘l’objet’ de toutes les convoitises et de tous les fantasmes universels : les seins. Qu’ils soient petits, moyens ou généreux, l’image collective renvoie de facto à la sexualisation du corps féminin. Bizarrement, très peu à sa démarche primaire, celle d’être nourricière. Peut-être qu’y voyant un symbole de servitude féminine relevant de la sphère privée, les féministes de la première heure ont préféré ne pas y toucher. D’où le fait qu’il soit resté au placard…

Pour en revenir, du 1er au 7 août, on célèbre la Semaine mondiale de l’allaitement maternel signée par l’OMS et l’UNICEF en 1990. Une semaine pour «commémorer la déclaration ‘Innocenti’ sur la protection, l’encouragement et le soutien de l’allaitement maternel». Notre décryptage du mois (à lire en pp 28 à 31) n’a pas pour but de débattre du bienfondé de l’allaitement exclusif jusqu’à l’âge de six mois recommandé par l’OMS. Non, au sein de la rédaction, on a pris le parti de s’attarder sur l’allaitement dans l’espace public, qui n’en fi nit pas de diviser alors qu’il n’existe aucun cadre légal l’interdisant.

Va «faire ça» ailleurs. En effet, si pour certaines femmes et mères qui allaitent (certains hommes également), ce débat n’a pas lieu d’être, force est de constater qu’une maman qui sort un sein nourricier en public choque, dérange, gêne un grand nombre. Quand l’acte ne donne pas lieu à des réprimandes, des réfl exions désobligeantes, des agressions verbales, voire physiques. Et ce malgré le port de vêtements d’allaitement ou de la couverture de protection.

On pense ici au cas de Maÿlis (#soutien@ Maylis) giflée par une cliente dans un point relais à Bordeaux alors qu’elle allaitait son bébé de six mois. Un cas d’entrave à l’allaitement parmi tant d’autres. Alors que nourrir son enfant au sein, indépendamment du lieu, relève d’un droit fondamental, d’un acte normal répondant aux besoins de bébé, donc d’une nécessité.

Chez nous, dans notre société hautement patriarcale, même si des mères allaitantes comme Abigail Descombes-Angeline et Aurélie Larché ont choisi de faire fi des barrières invisibles et que les sondé.es affichent pour la plupart la tolérance, il est rare de voir une telle scène. La faute à qui ou à quoi ? À la pudeur, l’appréhension ? À la peur du regard des autres ? Aux restrictions implicites d’une société contradictoire qui, tout en exaltant l’allaitement maternel sanctionne l’acte quand il est public ? Toujours est-il que l’oncle qui demande à Abigail Descombes-Angeline d’aller «faire ça» ailleurs interpelle à plus d’un titre.

Désamorcer la situation. On l’aura compris, nos seins souffrent d’une stigmatisation certaine. La société assimile l’allaitement maternel dans l’espace public comme étant de l’exhibitionnisme et lui prête même une dimension érotique. Or, il n’en est rien.

Donner la tétée à un enfant devrait renvoyer à la maternité dans toute sa splendeur. Car il n’existe pas d’espace approprié ou inapproprié pour nourrir un enfant qui a faim. Cela relève du libre choix des mères, du respect de l’autre. À ce titre, la désacralisation des seins allaitants devrait bénéficier du même engouement que le mouvement #nobra et de la bienveillance sororale. La cohérence féministe passe aussi par là


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