#MOISDESFEMMES. Sonakshi Deerpalsing & Keyla Kauppaymuthoo : Libres d’être

#MOISDESFEMMES. Sonakshi Deerpalsing & Keyla Kauppaymuthoo : Libres d’être
Embarquées dans les combats pour l’égalité femmes-hommes et du haut de leurs 19 ans, Sonakshi Deerpalsing et Keyla Kauppaymuthoo assument tout. Épatant en ce mois des droits des femmes.

Embarquées dans les combats pour l’égalité femmes-hommes et du haut de leurs 19 ans, Sonakshi Deerpalsing et Keyla Kauppaymuthoo assument tout. Épatant en ce mois des droits des femmes.

 

Chaque génération est un peuple nouveau. Sonakshi Deerpalsing et Keyla Kauppaymuthoo en sont la preuve. Aussi spontanées que réfléchies, l’une et l’autre sont surtout remontées. Naître femme serait être contrainte à se soumettre à des règles et à des exigences sociales normées qui les dépassent. À seulement 19 ans, elles ne mangent pas de ce pain-là. On les voudrait soumises, souriantes, délicieuses, calmes et on voudrait surtout qu’elles obéissent et qu’elles se taisent. Or, elles veulent qu’on les entende et surtout, être prises au sérieux.

Cette puissance-là, elles l’ont développée au fur et à  mesure de leurs expériences de petites filles puis, de jeunes filles. Elles ont compris que cela ne tenait qu’à elles de briser leurs chaînes pour ne pas être un objet de désir et encore moins un objet de conquête. Le verbe haut, elles disent STOP aux clichés, aux préjugés et aux stéréotypes liés à leur genre.

«J’ai le droit d’être en colère. J’ai grandi dans une société où je bénéficie de moins de privilèges que les garçons, à commencer par mes frères. Je ne supporte plus ces doubles standards», s’insurge Sonakshi. «Ces regards, ces coups de klaxon incessants, ces commentaires, ces mains qui osent se balader sur mon corps, être privée du droit de marcher seule là où je veux et de m’habiller comme je l’entends me révolte», fustige Keyla.

Sonakshi et Keyla n’ont pas envie d’être sympas. Elles ont seulement envie d’être. D’être libres d’abord. Elles se sont construites ainsi car elles ont bénéficié de la bienveillance et de l’éducation des féministes qui les entourent. Pour Keyla, auprès de Nancy, sa maman québécoise. Pour Sonakshi, sa tante Nita et Shakuntala Boolell, sa grande tante, professeure de Français qui, très tôt, l’a fait lire Les sept plis du sari. Un choc pour elle.

Naître dans une famille de féministes, c’est déjà naître féministe. Elles sont donc féministes par conviction ; elles sont d’éternelles indignées car l’égalité concrète – pas celle sur papier imaginée par une société d’hommes – reste à conquérir.

Keyla et Sonakshi ont donc pris conscience de leur genre et elles ont eu envie de s’en affranchir. Benjamine d’une fratrie de trois enfants, dont deux frères, Keyla, a vite développé un lien privilégié avec sa mère. «Vers l’âge de 10 ans, elle m’a avertie du regard des hommes.»

Sonakshi, aînée de deux frères, a d’abord renié son genre : «Sachant que j’avais moins de privilèges que mes frères, je me suis entourée de garçons et j’ai refusé de me définir comme fille. J’ai mis du temps avant d’assumer mon identité de genre.»

Pour se démarquer, elle se coupe les cheveux, refuse de se raser les poils et nourrit ses connaissances et sa réflexion dans des livres. Ouvrir grand sa bouche en société c’est dire et se dire car la prise de parole est politique. «Pour une fille indo-mauricienne, les combats d’Anjalay Coopen ont tôt fait sens pour moi.»

Au Lycée La Bourdonnais, où elle étudie et rencontre Keyla, Sonakshi ose se lever pour demander à aller aux toilettes car elle a ses règles. C’est sa manière d’assumer sa féminité. Elle ose dire au jeune homme qui se promène torse nu à la piscine qu’il doit mettre un tee-shirt parce que la société la lui interdit. Enfin, la jeune fille dit haut et fort son envie de ne pas vouloir se marier devant la loi parce qu’elle ne croit pas dans la loi des hommes. C’est ainsi que Sonakshi fait bouger ce qui est immobile : les mentalités rétrogrades. «Elles font de nous des proies et autorisent certains hommes à s’estimer tout-puissants», commente Keyla.

Celle-ci a vécu quatre ans au Canada. Elle a pu jauger des différences. «À Maurice, je vis avec la peur de me faire harceler. J’ai eu peur, j’ai eu honte de mon corps constamment scruté. J’ai dû faire un travail sur moi pour comprendre que ce n’était pas de ma faute… On parle du Gender-Equality Bill ; à quand une éducation au respect des femmes que l’on ferait aux hommes ?»

Sonakshi et Keyla condamnent cette société qui demande à être réinventée. «C’est le système capitaliste et ses lobbies industriels qui ont tout perverti. Il faut imaginer un système social sans État et sans hiérarchie. Le combat pour le pouvoir disparaîtrait dans la mesure où lorsqu’on n’est plus compétent, on est viré.» C’est la raison pour laquelle Sonakshi a choisi d’entamer des études d’histoire et d’anthropologie dès septembre au Pays-Bas. Keyla, inspirée par son père, Vassen, sera ingénieure de l’environnement. Toutes deux sont d’ailleurs éco-engagées au sein du mouvement Fridays for Future.

Puissantes, émancipées, libres, Sonakshi et Keyla savent déjà que le monde du travail ne leur fera pas de cadeau. «Je suis prête à travailler deux fois plus pour être prise au sérieux, mais en même temps quelle monstrueuse injustice», s’exclame Keyla, qui goûte en ce moment à différents stages avant d’entamer ses études supérieures.

Pour être prise au sérieux, Sonakshi porte une veste, force sur son rouge à lèvres avec dans l’idée de paraître plus vieille. Ce jeu social toujours normé et encore peu respectueux de la place des filles et des femmes continue à leur ouvrir les yeux sur les combats qu’il reste à mener. C’est vrai qu’il n’y a pas d’âge pour s’engager.


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