À L’ONG PASSERELLE : Mère alors !

À L’ONG PASSERELLE : Mère alors !
Le dernier dimanche de mai n’a pas le même goût pour tous.Tes. Alors que cette journée est à la célébration, des mamans, ayant fui la violence domestique, se battent pour tenter d’offrir une vie meilleure à leurs enfants.

Un jeudi après-midi à Rose-Hill. On se dirige vers l’ONG Passerelle, l’abri d’urgence qui accueille les femmes sans domicile fi xe et victimes de violences domestiques ainsi que leurs enfants. À la rédaction, on souhaitait aller à la rencontre de ces mamans en détresse pour montrer l’autre versant, celui qui est tout sauf festif et bien réel.

Arrivée au lieu de rencontre, une dame, trousseau de clés en main, nous attend devant un grand portail. On traverse littéralement la ‘passerelle’ reliant le monde extérieur et ses agressions à la tranquillité et la sécurité d’une grande cour où quelques gamins jouent au ballon. L’innocence et la décontraction de la scène sont pourtant factices. Issus de familles dysfonctionnelles, ces enfants ont connu le traumatisme des violences domestiques et subissent encore les contrecoups.

Sortir du cercle vicieux

Assises sous une varangue, Reshma, Jenita, Keshni et Ashna attendent patiemment notre arrivée. Bien que leurs histoires diffèrent, elles partagent les mêmes blessures, les mêmes traumatismes. Pour leurs enfants, ces mères ont trouvé la force de sortir du cercle vicieux qu’elles ont connu depuis l’enfance. Elles ont trouvé refuge au sein de cette ONG qui, depuis 2015, vise à promouvoir les droits des femmes et des enfants victimes.

Reshma, 39 ans, le visage émacié, a l’air triste, angoissée, cassée. Le sommeil lui fait faux bond. Il lui manque quelques dents. Sauf pour sa défunte mère, la seule qui l’a véritablement aimée, la vie ne lui sourit pas depuis l’enfance. Et sa vie de couple n’avait rien d’une sinécure. «Mon mari me martyrisait et me battait. J’ai perdu des dents et ma paix d’esprit.» Elle cherche alors refuge chez son père, mais essuie un refus. «Je suis donc venue au foyer avec mon fi ls de 12 ans. Je ne pouvais pas le laisser dans la rue. Il a été témoin de cette violence conjugale ; il en a aussi été victime. Quand il avait faim, je lui donnais des nouilles et moi, je mangeais un bout de pain rassis.» Aujourd’hui, Reshma cherche un emploi. Elle rêve d’avoir une petite maison où elle pourrait voir grandir son fi ls en toute quiétude.

Pendant qu’on discute avec Jenita, son aîné s’approche. Protecteur, il demande à sa mère si tout va bien. Elle lui sourit et acquiesce. Leur complicité est fl agrante. Derrière son sourire se cache pourtant bien des cicatrices. Elle a été victime de violence verbale et ses deux fi ls de moins de 13 ans de violence physique. Pour les protéger, elle s’éloigne donc de cette atmosphère toxique.

Sa priorité : ses enfants

Le trio s’installe ainsi chez des parents puis chez des amis avant de se retrouver à Passerelle. «Leur père était très violent... Aujourd’hui, je me dis qu’une mère doit pouvoir se débrouiller seule pour ses enfants. Elle doit pouvoir s’écouter.» Jenita est résolue à s’en sortir. «Ma priorité reste mes enfants et leur santé. Je veux qu’ils vivent des moments joyeux. Je fais tout avec eux, leur demande de toujours profi ter de la vie et de ne pas être renfermés. »

Mince, les cheveux tirés en une queue de cheval, Keshni, 20 ans, vit à Passerelle depuis sept mois. Avant cela, elle vivait chez sa mère et son beau-père, qui l’accusait de tout et de rien. Lorsqu’elle tombe enceinte, on lui mène tellement la vie dure qu’elle se tourne vers son père dans l’espoir d’être recueillie, mais elle fi nira par atterrir dans un foyer pour sans[1]abris. «Mon bébé est aujourd’hui âgé de 2 mois. Son père a eu des démêlés avec la justice et je ne souhaite pas qu’il grandisse dans un environnement où il serait exposé à de mauvaises infl uences.» Même si l’avenir lui fait peur, la jeune mère est déterminée à s’en sortir grâce à une éventuelle formation dans le domaine de l’esthétique.

Mise à la porte par sa mère

Toutes les mères ne sont malheureusement pas aimantes. La timide Ashna, 20 ans, en sait quelque chose. Celle qui a grandi dans une fratrie de 11 frères et sœurs raconte que contrairement à ses amies de chambre, c’est sa mère qui l’a poussée vers la porte de sortie. «Cela s’est passé du jour au lendemain, sans raison apparente.» Sa mère, explique-t-elle, se droguait et elle a fi ni par emprunter la même route qu’elle. «Je n’ai pas eu une vie facile. Je ne me souviens plus à quel âge j’ai abandonné l’école. Je n’ai personne, aucun proche… Mais ce qui me blesse le plus c’est d’avoir été rejetée par ma mère.» Mais Ashna ne baisse pas les bras. Elle se reconstruit lentement. Et dans ses rêves les plus fous, elle se voit maquilleuse professionnelle. Probablement car elle veut apporter du bonheur et de la lumière à ces mères dans l’obscurité…


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